Conformité des soumissions

Relations contractuelles et conformité des soumissions, la Cour d’appel clarifie les obligations respectives des soumissionnaires et des municipalités

Le 12 mars 2019, la Cour d’appel rendait un arrêt attendu depuis longtemps dans le domaine de la conformité des soumissions présentées dans le cadre d’un appel d’offres municipal. Il s’agit de l’arrêt Val-Morin (Municipalité) c. Entreprise TGC inc., 2019 QCCA 405.

Les faits

  • Un entrepreneur dépose deux soumissions dans le cadre de deux projets ayant chacun fait l’objet d’un appel d’offres distinct par la Municipalité de Val-Morin (ci-après la « Municipalité »).
  • Malgré le fait que l’entrepreneur était le plus bas soumissionnaire dans le cadre de ces deux appels d’offres, la Municipalité détermine que les soumissions présentées par l’entrepreneur ne sont pas conformes et ne lui octroie donc pas les contrats.
  • Les soumissions de l’entrepreneur ne respectaient pas certaines conditions des avis aux soumissionnaires, en ce que le prix unitaire soumis à certains endroits n’était pas proportionné au coût des travaux.
  • Ainsi, l’entrepreneur poursuit la Municipalité en dommages-intérêts.
  • Le juge de première instance condamne la Municipalité à payer à l’entrepreneur des dommages-intérêts équivalents au profit que l’entrepreneur aurait pu réaliser dans les circonstances.
  • La Cour d’appel infirme le jugement de première instance et donne raison à la Municipalité.

Les principes

Précisant les relations contractuelles établies dans le cadre d’un appel d’offres, la Cour d’appel explique que l’appel d’offres est une invitation à soumissionner.

Deux périodes doivent être distinguées dans le cadre de ces relations contractuelles. D’abord, un contrat « A » est établi entre les municipalités à titre de donneurs d’ouvrage et l’ensemble des soumissionnaires ayant présenté une soumission. Ensuite, un contrat « B » est formé lorsque l’une de ces soumissions est acceptée par la municipalité.

Les obligations respectives des soumissionnaires et des donneurs d’ouvrage comme les  municipalités sont distinctes selon qu’il s’agisse du contrat « A » ou du contrat « B ».

Dans le cadre du contrat « A », le soumissionnaire a l’obligation de conclure le contrat aux termes de sa soumission et des documents d’appel d’offres et ne peut faire le retrait de sa soumission avant l’expiration d’un délai déterminé. La municipalité, à titre de donneur  d’ouvrage, doit quant à elle traiter les soumissionnaires d’une manière équitable et égale et n’accorder le contrat qu’à un soumissionnaire ayant présenté une soumission conforme.

La Cour d’appel précise que les donneurs d’ouvrage comme les municipalités jouissent d’une certaine latitude dans l’analyse de la conformité des soumissions. Une certaine discrétion leur est accordée d’accepter une soumission présentant certaines irrégularités mineures. Toutefois, le donneur d’ouvrage peut, sans formalité supplémentaire, rejeter une soumission présentant un manquement à une exigence substantielle ou essentielle.

Traitant également du fardeau de preuve du soumissionnaire n’ayant pas été retenu dans le cadre d’un recours contre un donneur d’ouvrage comme une municipalité, la Cour d’appel explique que « la barre est haute ». Non seulement le soumissionnaire doit démontrer que le donneur d’ouvrage a accepté illégalement la soumission d’un tiers, mais il doit établir la conformité de sa propre soumission. Il doit également prouver que le contrat lui aurait été attribué si ce n’était de cette irrégularité.

En l’espèce, les arguments présentés par la Municipalité ont convaincu la Cour d’appel que l’ajout d’un prix unitaire proportionné était une condition essentielle des appels d’offres. Notamment, le texte des documents d’appel d’offres a été pris en considération par la Cour d’appel.

Conclusion

Le fardeau de preuve du soumissionnaire ayant vu sa soumission rejetée et voulant présenter une réclamation contre une municipalité est très important. Les municipalités doivent jouir d’une latitude dans l’appréciation de la conformité des soumissions. L’arrêt Val-Morin réitère avec force ces principes importants.

 

Date de publication: 15 mars 2019


Pour en connaître davantage sur le sujet

Racicot Chandonnet



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