
Vos contrats et le Covid-19
Le Québec n’échappe pas à la crise sanitaire actuelle. Or, cette situation exceptionnelle entraînant des mesures d’urgence amène son lot d’inquiétudes et d’incertitudes.
En ces temps particuliers, devez-vous respecter vos contrats et les obligations qui y sont contenues?
Il est important de vérifier chacun des contrats en cause et prendre connaissance des différentes clauses applicables selon les circonstances. Il est possible que vos contrats modifient les règles encadrant la relation contractuelle.
Obligations devenues trop onéreuses (Théorie de l’imprévision)
En cette période plus difficile, vous trouvez que les obligations vous incombant sont devenues trop lourdes à supporter. Pouvez-vous cesser de remplir vos obligations découlant d’un contrat parce que celles-ci sont plus onéreuses que ce que vous aviez envisagé? De façon générale, vous devez respecter vos contrats, la théorie de l’imprévision ne s’applique pas au Québec[1]. Attention cependant aux contrats soumis à la Loi sur la protection du consommateur qui prévoit certaines exceptions.
Force majeure
La crise du Covid-19 pourrait possiblement être reconnue comme une force majeure pour permettre à certaines parties de modifier certaines obligations contractuelles voire même de s’y soustraire. La force majeure prévue à l’article 1470 du Code civil du Québec permet à une personne de se dégager de la responsabilité pour un préjudice causé à une autre personne si le préjudice résulte de la force majeure, laquelle est un événement imprévisible et irrésistible.
Par contre, certains contrats prévoient des clauses édictant des modalités applicables en cas de force majeure, certains allant même jusqu’à renoncer à l’application de la force majeure dans l’exécution du contrat. Il est donc essentiel de se référer au contrat. Ainsi, toute situation étant sujette à interprétation, l’application de la notion de force majeure pourra varier en fonction des faits de chaque situation et de chaque contrat.
Par exemple, la date de conclusion du contrat pourrait prendre toute son importance dans l’analyse. Ainsi, dans le contexte du Covid-19, un contrat signé le 20 janvier 2020 dont l’exécution devait avoir lieu le 2 avril 2020 pourrait possiblement bénéficier de l’application de la théorie de la force majeure. Par opposition, un contrat signé le 18 mars dont l’exécution était prévue le 2 avril 2020, en pleine crise du Covid-19 ne pourrait probablement pas bénéficier de la théorie de la force majeure alors que la notion d’imprévisibilité est plutôt mince voire inexistante, les enjeux étant connus lors de la conclusion du contrat.
Résiliation d’un contrat d’entreprise ou de services
Les droits du client diffèrent de celui de l’entrepreneur/prestataire de services.
L’article 2125 du Code civil du Québec prévoit que le client peut résilier unilatéralement le contrat bien que l’exécution du contrat soit déjà commencée. Le client doit alors payer la valeur des travaux exécutés ou des services rendus par l’entrepreneur. Le client devra aussi payer pour les biens et services dont il peut bénéficier (qui peuvent lui être remis ou livrés). À noter que le client n’a pas à justifier ni motiver sa démarche de résiliation du contrat.
L’entrepreneur/prestataire de services pourra résilier le contrat que s’il a un motif sérieux pour le faire. Il ne peut le faire à contretemps, il doit réparer le préjudice qu’il cause au client par la résiliation et s’assurer d’éviter une perte au client. Le motif sérieux s’évaluera selon les circonstances et le comportement des parties.
Lors d’une résiliation, l’entrepreneur doit rendre les avances reçues du client si celles-ci excèdent le coût des travaux, matériaux ou services rendus au client avant la résiliation. Les cocontractants sont tenus de réparer tout autre préjudice que l’autre partie a pu subir de la résiliation, laquelle ne peut être la perte de profit de l’entrepreneur. (Article 2129 Code civil du Québec)
Attention, certains contrats prévoient la renonciation à la résiliation unilatérale par le client. Veuillez noter que si le client est un consommateur, tel que défini à la Loi sur la protection du consommateur, il ne peut y avoir une telle renonciation à la résiliation.
Nouveaux contrats
Vous souhaitez conclure des contrats actuellement. Tout d’abord, assurez-vous de respecter les directives et de vous conformer aux recommandations gouvernementales. Il vous faut notamment, respecter les directives de fermeture des entreprises et de distanciation sociale.
Tout d’abord, avant de conclure un nouveau contrat, vous devriez tenir compte des délais qui sont actuellement inconnus permettant la reprise des activités. Nous connaissons encore moins les délais qui seront nécessaires à une reprise normale des activités économiques. Il serait sage d’envisager d’éventuelles difficultés d’approvisionnement des matériaux, matières premières, équipements, etc.
En bref, prévoyez suffisamment de délais et prévoyez des clauses vous permettant de reporter l’exécution de vos obligations contractuelles. Puisque le contrat sera conclu en pleine crise, la notion de force majeure ne vous viendra probablement pas en aide afin de vous soustraire de vos obligations.
Conclusion
Considérant que chaque cas est un cas d’espèce, il faut procéder à l’analyse de chaque situation selon les faits et le droit applicable. Consulter votre conseiller juridique pour, notamment :
- Vérifier le contenu de vos contrats;
- Vérifier si vous pouvez résilier ou modifier votre contrat et à quelles conditions;
- Prévoyez, lorsque possible, des clauses de renonciation à la résiliation unilatérale du client;
- Tenez compte des circonstances actuelles dans la conclusion de tous vos nouveaux contrats.
Le présent texte ne remplace pas une opinion juridique détaillée fondée sur les faits précis de votre dossier ou de votre contrat.
[1] Churchill Falls (Labrador) Corp. c. Hydro-Québec, 2018 CSC 46 (CanLII), [2018] 3 RCS 101.
Pour en connaître davantage sur le sujet
Me Stéphanie Doyonstephanie.doyon@racicotchandonnet.ca
(450) 777-8031